L’essentiel : (1) Alors que des objectifs ambitieux avait été fixés dans le Programme Métropolitain de l’Habitat (PMH) en 2021, force est de constater que les mises en vente de logements neufs sur le territoire du Grand Nancy chutent fortement, avec pour conséquence directe une flambée des prix de vente, rendant l’accession à la propriété plus difficile, en particulier aux primo-accédants. (2) Le secteur du logement social n’échappe pas au constat de l’effondrement des mises en chantier, alors que de nombreux logements sociaux seront déconstruits dans le cadre de la rénovation des quartiers conduisant, par un effet ciseau, au risque de voir la part de logements sociaux diminuer. (3) L’ambition affichée en matière de lutte contre le logement vacant est clairement insuffisante : au rythme évoqué par le PMH, il faudrait plus d’un demi-siècle pour le résorber ! (4) Les incitations à la rénovation des logements manquent cruellement. (5) Tous ces éléments impliquent un risque de voir s’accélérer la baisse de la population à Nancy. (6) Face à ces constats, nous formulons 11 propositions concrètes pour débloquer la construction de logements neufs, relancer la construction de logement sociaux, lutter contre les logements vacants, et encourager la rénovation thermique des habitations.

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Une conjoncture qui invite à l’action ; pas à l’incantation

À l’heure où la France connait un net regain inflationniste et où les coûts de l’énergie explosent, et ce probablement de manière durable, le budget des Français relatif aux dépenses consacrées aux déplacements et au logement devient de moins en moins supportable. Certes, nous ne sommes pas, à Nancy, dans la situation parisienne ou des zones dites « tendues ». Mais, cette situation risque de conduire de plus en plus de Nancéiens et Nancéiennes à arbitrer entre le budget consacré au logement et celui dédié aux transports.

Alors que ce contexte devrait inciter à l’action, rares sont les décisions structurantes qui ont été adoptées, depuis 2020, en matière d’habitat et de politique logement à Nancy. Certes, la Métropole a, par le biais du Programme Métropolitain de l’Habitat (PMH) adopté à l’été 2021, défini une stratégie qui définit les objectifs et les moyens à mettre en œuvre, pour répondre aux besoins en logement et en hébergement des Grands Nancéiens. Mais, au-delà cet énoncé incantatoire d’objectifs de moyen et long termes, les mesures concrètes se font attendre s’agissant de :

  • la nécessaire production de logements neufs tant privés que sociaux ;
  • la rénovation du parc existant, tant privé que social, avec pour objectif prioritaire la lutte contre les passoires thermiques ;
  • la reconquête des logements vacants ;
  • l’expérimentation de nouvelles formes d’habitat ;
  • la formalisation d’outils réglementaires correspondant aux défis de demain et aux attentes du moment.

Or, cette forme d’inaction de la majorité municipale et métropolitaine produit pour les Nancéiens et Nancéiennes, ainsi que pour celles et ceux qui aspirent à l’être, des conséquences immédiates et tangibles :

  • une progression de l’ordre de 10 à 15% des prix à l’achat dans le neuf et près de 30% dans l’ancien dans certains quartiers. La barre des 4.000€/m² dans le neuf a ainsi été allégrement franchie tandis qu’il est de plus en plus courant d’observer des transactions dans l’ancien à plus de 3.000€/m² dans les quartiers centraux de la Ville ;
  • une flambée des charges aussi bien pour les locataires du parc privé et social que pour les propriétaires ;
  • pour les professionnels du secteur, le sentiment d’un marché totalement grippé pourtant pourvoyeur de richesses et d’emplois.

La production, meilleur outil de régulation !

La production de logements répond à des enjeux majeurs pour les responsables de collectivités territoriales, parmi lesquels – sans être exhaustifs – on peut citer :

  • faire progresser le nombre de logements, afin d’être en capacité d’anticiper un gain de population tout en participant à l’aménagement de la ville ;
  • proposer un parc de logement de qualité, accessible et faiblement consommateur en énergie ;
  • challenger le parc existant pour pousser les propriétaires à rénover leur bien ;
  • réguler les prix pour ne pas créer de distorsion entre l’offre et la demande ;
  • favoriser l’activité économique des acteurs du secteur qui sont en majorité des acteurs locaux qui soutiennent l’emploi du territoire.

S’agissant de la production de logements neufs sur l’agglomération nancéienne, le PMH propose de retenir des trajectoires de gain démographique pour notre agglomération et c’est heureux. Pour satisfaire aux besoins actuels et nouveaux, le document indique qu’il faudrait produire entre 1.000 et 1.200 logements par an (dont 300 sociaux) sur les 20 communes de l’agglomération, dont une part naturellement majoritaire à Nancy, en qualité de commune centre. Lorsqu’on observe les potentiels fonciers de l’agglomération, ce rythme de production est tout à fait réaliste et supportable.

Ce qui en revanche interroge et inquiète, c’est la différence très nette entre l’ambition posée et la réalité du marché actuel parce que les chiffres, eux, sont implacables. Alors que jusqu’en 2020, sur la commune de Nancy, le nombre de logements neufs en collectif mis à la vente était en moyenne d’environ 400 par an, moins de 50 ont été réservés en 2022. Soit près de 90% de baisse ! Ce qui naturellement a pour conséquence directe la hausse des prix. À ce jour, le prix moyen constaté des logements neufs en vente sur Nancy est de 3.800€/m2 hors stationnement, ce qui, naturellement, est hors de portée des ménages primo-accédants. Ceux-ci n’ont d’autres choix que de se reporter sur le marché de l’ancien qui jusque-là offrait des conditions de prix plus abordables. Ainsi, puisque l’offre neuve s’est tarie, les acquéreurs et investisseurs se sont portés sur le marché de l’ancien. Pris d’assaut, les biens dans l’ancien ont également vu leur valeur progresser fortement, ce que nous confirment agents immobiliers et notaires.

Il faut naturellement espérer que cette progression des prix puisse être endiguée. Il est toutefois fort probable qu’elle perdure et progresse. En effet, le stock de logements neufs à la vente ne se recompose pas à bon rythme : projets mis à l’arrêt sur les quartiers Rives de Meurthe et Gare, production timide de logements privés sur le quartier du Plateau de Haye, projets toujours pas à la vente sur le site des anciens hôpitaux Maringer-Villemin-Fournier et enfin le grand projet de quartier écologique sur la friche Alstom qui, sans modification de la règlementation d’urbanisme actuelle, ne pourra se concrétiser.

Dans ce contexte, il est de la responsabilité de la collectivité de créer le climat de sérénité et de confiance nécessaire pour que l’activité reprenne, et ce a fortiori dans une conjoncture inflationniste, qui a fait exploser le cout des matériaux, et par ricochet celui des projets.

Aussi, nous suggérons :

  • d’accélérer la formalisation du nouveau règlement d’urbanisme PLUi pour libérer les potentiels fonciers et ouvrir leur constructibilité ;
  • de fluidifier l’instruction des permis de construire, sans sacrifier la surveillance de la qualité environnementale et architecturale des nouvelles réalisations ;
  • de créer un observatoire public de la production neuve à l’échelle de l’agglomération qui donne annuellement l’état du stock de logements neufs, les prix de vente moyens, la cartographie des programmes à la vente, et les sites de projets,  de sorte à pouvoir confirmer la trajectoire posée par le PMH

Du logement OUI, mais pour tout le monde !

Selon l’Union Sociale pour l’Habitat (USH), 66% des Français seraient éligibles au logement social. Cela veut donc clairement dire que ce type de logement ne s’adresse pas uniquement aux populations en difficulté mais également aux classes moyennes.

En 2020, l’agglomération comptait environ 35.000 logements sociaux, représentant 26,7% des résidences principales. A Nancy, ce taux est de 23,1% pour environ 15.000 logements.

Afin de répondre aux besoins nouveaux mais aussi de compenser les démolitions de logements dans le cadre de la rénovation urbaine et la vente de logements HLM, il est nécessaire construire environ 350 logements sociaux nouveaux par an sur l’agglomération d’ici à 2027.

Cela représente un objectif particulièrement ambitieux. Et tout porte à croire que les bailleurs sociaux ne sont pas en mesure de l’atteindre. La lecture des délibérations de la Métropole du Grand Nancy au titre de la délégation de compétence des aides à la pierre le confirme. Ainsi, tout comme la production privée, la production sociale semble s’être considérablement affaiblie.

Parallèlement, et c’est une bonne nouvelle, des transformations d’ampleur se poursuivent sur certains quartiers prioritaires de l’agglomération en particulier à Vandœuvre-lès-Nancy, à Laxou et à Nancy. Ces transformations impliquent des démolitions de logements en nombre important qui doivent être compensées par ailleurs.

Or, avec le rythme de production actuel, le risque est grand de voir la part de logements sociaux diminuer sur l’agglomération et sur Nancy.

Quant à la promesse de la création d’un office foncier solidaire, elle semble rangée au rang des bonnes intentions. Le PMH se borne à évoquer à cet égard de « poursuivre la réflexion » sur sa création. Alors qu’il y a urgence…

Aussi, nous suggérons :

  • de réunir des états généraux du logement social à l’échelle de l’agglomération afin de partager les enjeux et fixer de nouvelles orientations et ambitions ;
  • de garantir des conditions économiques ultra compétitives dans le cas de vente de terrains appartenant à la Ville ou à la Métropole dans la perspective d’y réaliser des logements sociaux ;
  • de flécher de grands ensembles patrimoniaux dont la destination première pourrait évoluer afin d’y héberger des logements sociaux. La libération du patrimoine d’État, du CHRU et de l’Université peut offrir un gisement immédiat. Confié à des bailleurs, ce patrimoine pourrait donner lieu à des opérations de qualité.

Les logements vacants, un gisement sous exploité.

Le PMH fixe comme objectif de reconquérir environ 150 logements vacants par an dans la Métropole. Or, sur le seul territoire de Nancy, on en comptabilise environ 8.000, soit un taux de vacance de plus de 11% ! Ce gisement de logement est donc très largement sous exploité.

Les outils existants semblent ne pas suffisamment porter leurs fruits. C’est en particulier le cas des communes, comme Nancy, ont mis en œuvre la taxe d’habitation sur les logements vacants. Si cette taxe rapporte des ressources financière non négligeables à la collectivité (près de 600 000 euros à Nancy), elle est de peu d’effet sur la vacance.

Il est donc urgent de concevoir, tant à l’échelle de la ville centre qu’à celle de l’agglomération, une véritable politique ambitieuse de reconquête des logements vacants et en particulier ceux qui le sont depuis plus de deux ans. Au rythme fixé par le PMH, il faudrait plus d’un demi-siècle à Nancy pour reconquérir l’intégralité des logements vacants ce qui n’est évidemment pas supportable.

Aussi, nous suggérons :

  • de faire de Nancy un territoire pilote du Plan National de Lutte contre les logements vacants ;
  • d’établir un partenariat renforcé avec l’administration fiscale pour mieux cerner le profil des logements vacants et celui de leurs propriétaires pour aller au-delà de la seule taxation ;
  • d’orienter les outils incitatifs sur les logements vacants depuis plus de 2 ans, qui le sont plus structurellement que conjoncturellement. Les logements vacants en centre historique de Nancy doivent en particulier mobiliser tous les efforts.

Dans un logement, la meilleure énergie, c’est celle qui n’est pas consommée

Dans le contexte d’explosion des coûts de l’énergie, les médias se font de plus en plus l’écho de Français qui, faute de budget nécessaire, renoncent à se chauffer. Alors que le gouvernement nous invite à régler nos thermostats sur 19°, ce qui est déjà le cas dans une majorité des foyers français, certains d’entre eux n’ont d’autres choix que d’arrêter de se chauffer. De même, certaines copropriétés repoussent à l’extrême le démarrage du chauffage collectif par crainte de voir s’envoler leurs charges !

Certes, dans le domaine de la production de logements neufs, les nouvelles réglementations environnementales contribueront petit à petit à réduire notre dépendance à l’énergie, puisque la meilleure énergie, c’est encore celle qui n’est pas consommée. Mais il ne faut pas négliger le logement ancien. Or, force est de constater qu’aucune ambition renouvelée n’est portée sur la rénovation du parc existant.

Aussi, nous suggérons :

  1. d’exonérer partiellement et temporairement du paiement de la taxe foncière en contrepartie de travaux de rénovation thermique d’un logement, encadrés par la collectivité (voir « Focus » ci-dessous) ;
  2. de fixer l’objectif de 2 logements rénovés pour un logement neuf produit. Dès lors que la Métropole entend accompagner la production d’environ 1.000 logements neufs par an, nous imaginons pouvoir accompagner dans le même temps 2.000 foyers dans la rénovation de leur logement.

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Focus : exonération de taxe foncière en contrepartie de travaux de rénovation énergétique

La rénovation énergétique des logements est un levier essentiel pour favoriser les économies d’énergie. Elle permet ainsi de préserver l’environnement et le pouvoir d’achat des habitants. Elle permet également d’améliorer le confort des logements. Elle permet enfin d’en assurer la revalorisation sur le marché de l’immobilier.

Afin d’inciter à cette rénovation et de compléter les aides existants, les Nancéiens proposent que d’exonérer de la part communale de la taxe foncière, pendant 2 ans, les propriétaires (bailleurs ou occupants) d’une maison individuelle ou d’un appartement en copropriété qui ont procédé à des travaux de rénovation énergétique. Tel est déjà le cas dans de nombreuses villes françaises, telles que Roubaix, Massy ou Charleville-Mézières.

Cette exonération concernerait les logements anciens construits avant le 1er janvier 1989. Elle serait soumise à la condition d’avoir effectué plus de 15.000 € TTC de travaux par logement pour réaliser des économies d’énergie au cours de l’année qui précède la première année d’application de l’exonération, ou plus de 20.000 € au cours des trois années qui précèdent l’application de l’exonération. Les travaux éligibles seraient ceux retenus pour le crédit d’impôt sur le revenu au titre de la transition énergétique (CITE). Aucune nouvelle demande ne pourrait être effectuée pendant les 10 ans suivant la dernière année d’exonération précédente.