Un schéma directeur des équipements culturels : un préalable à toute politique culturelle ambitieuse, aussi indispensable qu’urgent !

Ville culturelle, Nancy bénéficie d’une offre importante, diversifiée et attractive, grâce à ses grands établissements, grâce à son intense maillage associatif, vecteur essentiel de la création, et grâce à une politique municipale particulièrement volontariste. Reconnue pour sa qualité, cette politique bénéficie d’un engagement budgétaire conséquent et se diffuse bien au-delà des frontières municipales. Elle est d’ailleurs complétée par celle de la Métropole, qui, si elle n’a pas (encore) de compétence culturelle, agit néanmoins par le biais de ses établissements (Féru des Sciences, Jardin botanique Jean-Marie Pelt et Muséum-Aquarium), de ses autres politiques (en particulier universitaire), et de soutiens financiers aux acteurs locaux. De manière schématique, les actions municipales et métropolitaines sont guidées par la même volonté d’assurer l’accès à la culture pour tous et partout ainsi que le soutien à la création locale.

Cette orientation doit être maintenue. Mais elle souffre d’un manque d’engagement et de vision globale, pour faire du maillage riche et prometteur d’équipements culturels un « bateau amiral » de cette politique. Il manque clairement à cet égard un schéma directeur qu’il convient d’engager au plus vite.

Certes, la rédaction du projet culturel métropolitain 2023-2026 fait référence au diagnostic culturel réalisé, en 2021, par l’agence SCALEN, qui visait à mettre en lumière les ressources et richesses présentes sur le territoire. Néanmoins, ni ce diagnostic, ni ce projet culturel ne développent de vision stratégique globale s’agissant des équipements culturels locaux, qui devraient pourtant constituer un moteur puissant de notre attractivité.

Cette absence de vision est illustrée par les actions entreprises pour la reconversion du site de l’ancienne faculté de pharmacie. En effet, le 19 juin 2023, le Conseil municipal de Nancy a lancé les démarches pour que ce site soit reconverti en « pôle culturel » ayant vocation, après restructuration, à accueillir, dans un premier temps, le Centre Chorégraphique National – Ballet de Lorraine (CCN-BL), ainsi que l’école de musique privée Music Academy International (MAI). Toutefois, c’est le flou le plus total sur les autres activités, structures ou institutions culturelles qui auraient vocation à intégrer à l’avenir ce nouveau pôle. Certes, ce site répondra à des attentes anciennes, en particulier du CCN-BL. Mais l’on peine à voir le projet d’ensemble dans lequel il s’insère. Et pour cause, il n’y en a pas ou, en tout cas, il est difficile à déceler, que ce soit au niveau municipal ou au niveau métropolitain.

Non au guidage à vue en matière culturelle !

L’action en matière culturelle ne saurait être menée au coup par coup. Elle ne peut et ne doit pas être guidée par des demandes individuelles, des suggestions citoyennes, une nécessité ponctuelle, ou par l’urgence d’une situation, notamment l’état d’un immeuble ou la dégradation d’un aménagement.

Les rustines ou le « guidage à vue » ne permettent pas de garantir une allocation optimale des deniers publics – de plus en plus rares – et l’efficacité des politiques publiques.

Tel est d’autant plus le cas dans un contexte marqué, comme c’est le cas à Nancy et dans la métropole du Grand Nancy, par la richesse et la multiplicité des équipements, des acteurs, des modes de gestions, des autorités, des réseaux, etc.

En l’absence d’une vision globale de l’existant, des besoins actuels de la population et des acteurs culturels, de leur répartition, que ce soit sur le territoire de la ville de Nancy ou de la Métropole Grand Nancy, ces politiques sont vouées à l’échec et au saupoudrage inefficace d’argent public.

Pour reprendre l’exemple, à l’échelle de Nancy, du pôle culturel envisagé sur le site de l’ancienne faculté de pharmacie, on peut s’interroger. À quels besoins globaux répond-ils ? Quelles mutualisations et synergies avec les autres acteurs culturels de la ville et de la métropole ? Quel public visé ? Quelle est la pertinence de cette implantation ?

Autre exemple, à l’échelle métropolitaine, avec les nouveaux lieux dédiés à la culture et la création : quelle stratégie publique d’ensemble pour l’Octroi, le site des Brasseries, la cité du Faire (tiers-lieu de production dédié aux professionnels du « Faire » sur le territoire de la métropole du Grand Nancy), le LF2L (Lorraine Fab Living Lab), etc… ? Quels liens et quelles interactions avec les autres lieux du territoire métropolitain ?

Il apparaît donc nécessaire, afin de mettre en œuvre une politique culturelle ambitieuse et cohérente et d’assurer le meilleur soutien des acteurs locaux, de dresser au plus vite un état des lieux des équipements culturels, d’envisager leur évolution dans le cadre d’une stratégie globale adaptée aux priorités politiques et de prévoir une enveloppe budgétaire permettant de concrétiser ces objectifs.

Sans un tel préalable, il est impossible d’élaborer et développer, au niveau municipal ou métropolitain, un projet culturel pertinent au service des synergies, dynamiques et richesses de notre territoire, dès lors qu’il ne correspondra ni aux attentes des publics, ni aux ressources disponibles

Il faut donc remettre les bœufs devant la charrue !

C’est la raison pour laquelle nous proposons d’élaborer un schéma directeur métropolitain des équipements culturels.

Il aura notamment pour objectif de :

  • définir les besoins actuels, tant du public que des acteurs culturels, en termes d’équipements, ainsi que les scenarii d’évolution de ces besoins ;
  • d’établir un état des lieux, sur le plan culturel, patrimonial, urbanistique et de l’attractivité, des équipements existants (en particulier de leur répartition, leur destination, leur capacité, et leur état), et ce, quel que soit le champ d’activité (par ex. spectacle vivant, arts visuels, lecture publique) ou l’institution concernée (établissement public ou associatif) ;
  • d’évaluer, sur cette base, la manière dont ces équipements sont adaptés aux besoins actuels et leurs possibles évolutions ;
  • d’élaborer une stratégie, définissant les priorités concernant la mise à niveau, l’entretien, la réhabilitation, la rénovation des équipements existants et la création de nouveaux, au regard des besoins exprimées, de leur possible évolution, et des priorités politiques préalablement définies.

La mise en œuvre de ce schéma devra être accompagnée d’un plan pluriannuel d’investissement, permettant de concrétiser les ambitions énoncées.

Cette proposition concernant les équipements culturels vaut également pour les équipements sportifs, lesquels méritent également, et pour les mêmes raisons, un schéma directeur. La gestion ubuesque des équipements nautiques métropolitains en est la démonstration. Nous y reviendrons plus longuement dans une prochaine contribution.

***