L’essentiel : (1) L’ensemble des trois places Stanislas, de la Carrière et d’Alliance est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1983. Afin de répondre aux exigences découlant de ce classement, la ville de Nancy a élaboré, avec l’aide d’un cabinet spécialisé, un plan de gestion. Un tel plan présente le projet scientifique et culturel du site et expose les mesures de protection, de conservation et de mise en valeur à mettre en œuvre. (2) Le plan approuvé le 30 janvier 2023 par le Conseil municipal de Nancy est d’une grande qualité technique ; il manque néanmoins d’ambition sur trois points. (i) Aucun plan d’investissement, doté de réels moyens budgétaires, n’est prévu alors que des actions, notamment de protection et de conservation, doivent être mises en œuvre à court terme. (ii) L’extension du périmètre de protection au jardin du palais du gouvernement, à la Pépinière et au secteur Sainte-Catherine n’est pas évoquée, alors qu’elle permettrait de développer un projet global et cohérent. (iii) L’économie, le commerce et l’attractivité sont absents de la réflexion contenue dans le plan de gestion, alors que ces dimensions sont essentielles pour que le périmètre UNESCO soit vivant et rayonne.

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À Nancy et pour les Nancéiens, rien de plus précieux que l’ensemble UNESCO, composé des places Stanislas, d’Alliance et de la Carrière. Cet ensemble a été inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en 1983, caractérisant ainsi le génie humain et urbain de cette réalisation. Alors que nous célébrons, en 2023, les 40 ans de ce classement, la Ville de Nancy a engagé, en mars 2020, le cabinet Grahal afin d’établir le « plan de gestion » de cet ensemble et, ainsi, se conformer aux exigences légales découlant du classement au patrimoine mondial. Il était en effet nécessaire, eu égard à la complexité d’élaboration d’un tel document, d’en confier la réalisation à un prestataire extérieur spécialisé.

Car un plan de plan de gestion est un document particulièrement important qui vocation à élaborer et présenter le projet scientifique et culturel du bien. Il s’agit ainsi du cadre stratégique et politique qui expose les actions à mener à court, moyen et long terme pour la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine protégé.

Le 30 janvier 2023, le Conseil municipal de Nancy a approuvé le projet de plan de gestion établi pour les 3 places de Nancy. Il sera ensuite validé par le préfet de région et transmis à l’Unesco.

D’emblée, on constate que ce document est d’une grande qualité technique et que l’état des lieux dressé est riche de références historiques. Il manque néanmoins singulièrement d’ambition politique, en particulier en termes d’investissement, de vision prospective, et d’attractivité.

  1. Quels investissements pour ce patrimoine exceptionnel ?

Ce plan de gestion est un catalogue de bonnes intentions, qu’il faut naturellement avoir pour les biens nancéiens les plus précieux. Mais il manque hélas d’ambition. Le diagnostic présente un certain nombre de carences. Tel est en particulier sur la description de l’état et du bilan sanitaire de l’ensemble protégé. Le plan de gestion indique en effet qu’il se trouve dans un état globalement “satisfaisant” voire “très satisfaisant”. Ce constat ne peut être partagé : statuaire, fontaines, façades publiques et privées, patrimoine arboré, sol de l’Hémicycle De Gaulle, mobilier urbain sont autant d’éléments qui nécessitent une action urgente et des investissements massifs immédiats. Or, les mesures de protection et de mise en valeur sont renvoyées à moyen et long terme.

Nous attendions un vrai projet engageant, reposant sur un plan pluriannuel d’actions et d’investissements, assorti des réservations budgétaires nécessaires pour les conduire au plus vite. Les actions prioritaires et fondamentales comme « [l’élaboration] un plan de restauration du bien » sont toutefois reportées à après 2026. Le seul engagement budgétaire cité est celui de “30 000 euros” (sic) annuels d’entretien par la Métropole : un tel montant apparait totalement déconnecté des besoins réels du site et pourrait même susciter des doutes de l’UNESCO quant à l’engagement de la ville de Nancy à l’égard du classement.

  1. Quelle vision prospective ?

Alors que le classement UNESCO est intervenu il y a maintenant 40 ans, la formalisation de ce plan de gestion aurait pu constituer une occasion de se réinterroger sur le périmètre du bien à protéger. Et notamment son éventuelle extension. En effet, ce plan est totalement silencieux sur le jardin du palais du gouvernement, sur la Pépinière et tout sur le secteur Sainte-Catherine (y compris la caserne Thiry, la porte Sainte-Catherine et le jardin Godron). Or, ces espaces – contigus à l’espace actuellement protégé – sont pourtant contemporains de la réalisation des 3 places, ont été commandées par Stanislas lui-même et sont d’un grand intérêt patrimonial. Ils sont d’ailleurs inclus dans la zone dite “tampon” créée en 2016 et dans le secteur plan de sauvegarde et de mise en valeur.

Une extension du périmètre bénéficiant de la protection UNESCO aurait ainsi mérité d’être réfléchie. Justifiée d’un point de vue historique et patrimonial, cette extension permettrait de développer un projet global et cohérent d’aménagement à la hauteur de cet espace, qui connait de profondes mutation (comme c’est actuellement le cas sur le site de la cité administrative et de la caserne Thiry).

  1. Quels objectifs en matière d’attractivité ?

Enfin, les dimensions économique et commerciale, pourtant bien présentes dans le périmètre UNESCO – en particulier Place Stanislas -, semblent avoir été éludées. Leur absence au sein du plan de gestion étonne, dès lors qu’il s’agit d’aspect particulièrement important de sa mise en vie. Ce périmètre nécessite en effet une vision globale de sa destination économique et commerciale afin d’en accroître l’attractivité.  Autre point d’inquiétude et de vigilance : les 3 places sont plutôt vues et considérées, dans le plan de gestion, comme étant des espaces d’animation accueillant de manière des événements (petits ou grands, ponctuels ou récurrents). Si l’on comprend la volonté d’animation du coeur de ville, ces événements accélèrent le processus de dégradation de ces places. Il importe donc que l’équilibre entre tourisme, ambition commerciale et qualité de vie soit réfléchi et de mettre en oeuvre une politique d’animation régulée, évitant les dérives pour la qualité de vie des habitants comme pour le patrimoine.

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Quel hypercentre souhaite-t-on dessiner ? Pour qui ? Pour quoi et comment ? Le plan de gestion n’apporte malheureusement que peu de réponses à ces questions fondamentales. Qui auraient d’ailleurs dû déjà être posées lors de l’adoption du projet de piétonnisation au printemps 2022. Les 3 places constituent un espace urbain dont la valeur réside notamment dans la richesse de son architecture et de son ornementation. Il importe donc qu’elles fassent l’objet de toutes les attentions et que les investissements nécessaires à leur entretien et leur mise en valoir soient entrepris. Elles doivent toutefois rester des espaces de la ville habitables et habités. Ceci implique la définition d’une réelle stratégie de long terme, dont on regrettera l’absence dans le plan de gestion qui vient d’être approuvé.