L’essentiel : (1) La modification du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV) manque d’ambition et n’apporte que des corrections mineures. (2) Cette absence d’ambition, tout comme le défaut d’anticipation qui est lié, auront pour conséquence qu’une nouvelle modification sera nécessaire afin que de nombreux projets puissent être mis en œuvre ou menés à terme. (3) Certaines propositions, comme celle consistant à permettre une dérogation à la règle de stationnements à réaliser en cas de changement de destination d’un immeuble, vont dans le bon sens. (4) D’autres appellent des réserves, comme la proposition d’introduction de servitudes de mixité sociale à hauteur de 40% qui apparait démesurée.

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Le Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV)  est un document réglementaire qui fixe les ambitions de sauvegarde, de développement et de rayonnement de quartiers en majorité urbains, de centre-ville et patrimoniaux en France. À Nancy, il concerne 166 hectares allant du quartier des Trois Maisons au nord, à la Place des Vosges au sud et de la rue de la Ravinelle à l’ouest à la Pépinière à l’est. Il inclut les trois villes historiques : la ville-vieille, la ville neuve autour de la Place Charles Trois et le marché, et l’ensemble XVIIIème, dont nos sites UNESCO. Il correspond ainsi à plus de 10% de la superficie totale de la ville, ce qui en fait l’un des secteurs protégés les plus importants de France.

En pratique, le PSMV est un « mini Plan Local d’Urbanisme (PLU) », plus spécifique et plus approfondi que ce dernier. Il décrit ce qu’il est permis de construire, de démolir, de modifier, d’aménager, de planter dans le secteur qu’il couvre. Il ne s’agit pas seulement d’un document normatif mais également d’un document traduisant une ambition politique.

Révisé en profondeur en 2019, à la suite d’une longue procédure, le PSMV s’articule autour de trois priorités : (1) l’impératif de préservation et de mise en valeur du patrimoine nancéien allié à la nécessité de développement et de rayonnement économique et commercial (2) la volonté de faire revenir des habitants en centre-ville en permettant de réaménager des immeubles ou des étages vacants et (3) l’écologie au cœur de l’aménagement de la ville, de ses espaces publics et de l’accompagnement des projets privés.

Afin de tirer les leçons tirées de l’expérience de la mise en œuvre du PSMV depuis 2019, une « modification simplifiée » est désormais envisagée. Elle vise, principalement, à clarifier certaines règles applicables aux monuments historiques, à favoriser la mixité sociale, et à adapter la réglementation du stationnement automobile pour les opérations de réhabilitation. Ce projet de modification est soumis à enquête publique. L’association Les Nancéiens a souhaité faire part de ses observations. Une contribution a ainsi été soumise dans le cadre de cette enquête. En voici les principaux éléments.

I/ Un constat préalable : des corrections techniques mineures sans ambition d’ampleur

Le projet de modification du PSMV a été initié et est porté par la majorité municipale et métropolitaine issue des élections de 2020. Il aurait donc été logique qu’il traduise les projets portés par les nouveaux élus. Mais, l’ambition apparait bien plus limitée : rien sur la « simplification » du projet de Musée Lorrain, rien sur les aménagements qualitatifs sensés accompagnés le projet de piétonnisation, rien sur la végétalisation de nombreux secteurs de la ville, rien sur l’aménagement de l’ensemble Carnot Léopold, rien sur la « forêt urbaine », rien sur les aménagements d’accompagnement du futur trolley…

Or, une chose est certaine : pour relever ces défis, rendre possibles ces projets ou à tout le moins les faciliter, le PSMV devra être modifié. Pour ne prendre qu’un exemple, certaines des plantations d’arbres figurant dans les illustrations communiquées dans le cadre du projet de piétonnisation ne sont, en l’état, pas envisagées par le PSMV.

Le manque d’ambition se traduit d’ailleurs dans le choix de la procédure suivie : c’est une « modification simplifiée » qui est envisagée et non pas une « révision ».

Or, les procédures d’amendement du PSMV sont rares et sont particulièrement longues. Doit-on en déduire que les projets évoqués plus haut ne sont pas suffisamment mûrs ? Ainsi, tout pousse à considérer que ces projets ne pourront être conduits dans toute leur ampleur sur cette mandature et qu’une nouvelle procédure de révision devra être mise en oeuvre.

Ainsi, la modification simplifiée qui nous est soumise se caractérise, en premier lieu, par son manque d’ambition pour notre centre historique. Elle ne comporte en fait que des corrections « non substantielles », tel que l’indique d’ailleurs l’Architecte des Bâtiments de France dans son avis joint au dossier d’enquête publique.

II/ Sur les corrections elles-mêmes : des mesures qui vont dans le bon sens et d’autres qui paraissent démesurées

Malgré les constats précédents, il nous a semblé opportun de nous prononcer sur trois des modifications proposées, qui ont particulièrement retenu notre attention.

La première est celle introduisant une dérogation à la règle des stationnements à réaliser en cas de changement de destination (bureaux vers logements, commerces vers logements) d’un immeuble. Cette mesure est effectivement de bon sens et permettra de rendre possible des mutations d’immeubles dans l’incapacité de fournir le stationnement réglementaire, à savoir une place par logement créé. En effet, le respect de cette règle n’est techniquement pas toujours possible, et patrimonialement n’est pas toujours souhaitable. Considérant la situation du centre-ville, la proximité immédiate du réseau de transports en commun et de solutions de stationnement, et compte tenu du développement des mobilités douces, nous pensons que l’introduction d’une possibilité de dérogation (utilisée à bon escient) à la règle en cause, est une bonne mesure.

La deuxième est celle concernant l’introduction de servitudes de mixité sociale. Il est proposé que plusieurs ensembles immobiliers du centre historique, dans le cadre de leur mutation prochaine en logements, puissent héberger une part de 40% de logements sociaux. Il s’agit d’ensembles immobiliers publics que différents services de l’État et de collectivités vont libérer de manière imminente : les Archives départementales rue de la Monnaie en ville-vieille, le rectorat rues Philippe de Gueldres et Sellier toujours en ville-vieille ainsi qu’un site annexe du Rectorat, rue du Manège, à l’arrière de la Cathédrale. La création de nouveaux logements sociaux est naturellement un objectif à poursuivre et un impératif social indiscutable. Toutefois, la Ville compte déjà près de 23% de logements sociaux dont une présence particulièrement marquée en ville-vieille. Cette situation est liée à l’histoire de la ville médiévale : les bailleurs sociaux ont participé activement à sa transformation. Dans ces conditions, nous pensons que la proportion fixée à 40% est démesurée. Nous sommes donc particulièrement réservés quant à la modification proposée.

La troisième concerne un cas particulier, en l’occurrence le bâtiment situé au 4 rue du Général Drouot sur la parcelle BW439. Il fait l’objet actuellement d’un aplat jaune qui impose sa démolition en cas de projet. Il est proposé qu’il passe en aplat gris clair, de sorte qu’il puisse être conservé, amélioré ou démoli. Or, l’aplat jaune nous semble tout à fait justifié : sa proximité avec l’Eglise Saint-Nicolas, son implantation, son état sanitaire et sa piètre qualité architecturale le justifient totalement. En l’absence de projet, nous préconisons donc maintenir l’aplat jaune.